Sur le tournage de Tess, par Romain Goupil
VIDEO | 2015, 16' | Entre son activité militante, sa carrière dans la réalisation, ses figurations dans les1
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Un paysan envoie sa fille chez la riche famille d’Urberville. Son destin est alors scellé dans le drame et le sang. D'après le chef-d'oeuvre de Thomas Hardy.
Dans l’Angleterre du 19ème siècle, un paysan du Dorset découvre par hasard qu’il est le dernier descendant d’une grande famille d’aristocrates. Il envoie alors sa fille aînée, Tess, se réclamer de cette parenté chez la riche famille des d’Urberville. Son destin est désormais scellé dans le drame et le sang. D'après le chef-d'oeuvre de Thomas Hardy, le seul film romantique de Polanski, tourné en souvenir de sa femme disparue, Sharon Tate, et célébrant la beauté de Nastassja Kinski, 17 ans.
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" Il y a dans les romans de Thomas Hardy (Tess d’Urberville donc, mais aussi son ultime, Jude l’Obscur) un
" Il y a dans les romans de Thomas Hardy (Tess d’Urberville donc, mais aussi son ultime, Jude l’Obscur) un désespoir à peine nuancé, une noirceur qui surgit à chaque page. L’interprétation qu’en fait Polanski est justement plus ouverte : si l’on retrouve dans le film les principales composantes du roman victorien comme l’illusoire ascension sociale ou le martyr de la femme innocente, marquée et pervertie par le rapport au monde des hommes, Tess s’autorise d’autres champs de référenciation, et entrouvre quelques portes qui dépasse le simple portrait des inégalités sociales et de l’intolérance. Si les événements n’ont pas besoin de chœur antique pour attacher Tess à sa destinée sacrificielle, celle-ci n’est pas linéaire. L’horizon ne lui appartient pas, le bucolique est noirci, mais une fenêtre s’ouvre, à chaque pas, avant de se refermer. Après son viol, Tess vivra l’amour. Après la séparation, elle vivra les retrouvailles. Le ciel s’obscurcit, la forêt virginale est brouillardeuse, mais l’espoir, même déçu, reste vaillant jusqu’à la mort. Le rythme suit les saisons, mais est perpétuellement remis en jeu par de longues séquences, des ellipses, des moments de répits picturaux qui font de la tragédie humaine autre chose qu’un simple produit de circonstances ou de fatalisme déterminé.
Sans doute ce perpétuel mouvement de lutte, cette absence de renoncement à la nature humaine sont-ils à l’origine de la palette extraordinaire de couleurs que le film donne à voir : Constable et Millet s’entrelacent pour donner de l’éclat au Dorsetshire normand. Polanski reprend, détourne, choisit la flamboyance pour le travail des champs et la simplicité, la pâleur et l’assombrissement quand il reproduit un amer Déjeuner sur l’herbe pour la Cène des amants. L’amour sensuel ne peut être beau que dans l’égalité et l’égalité n’est pas de ce monde. Tess, rejetée par l’Église et pourtant seule martyre, va de bonheurs en échecs, de découvertes en retours au village, de résignation apaisante en folie criminelle. Elle est un tout, comme le film de Polanski, qui suit son héroïne fantomatique et la laisse s’échapper pour ne pas l’alourdir, filme les mots que personne n’entend, et sait la sortir du cadre quand l’espace immense qui happe les protagonistes devient prison. L’attention, la précision, la poésie font du film une sorte de complainte amoureuse plus tourmentée qu’homérique. Certains ont leur Autant en emporte le vent, d’autres ont leur Barry Lyndon, Polanski a réalisé son Tess."
" Académique, Tess ? Cela a été dit, entendu, à sa sortie en 1979. La première moitié se pr&
" Académique, Tess ? Cela a été dit, entendu, à sa sortie en 1979. La première moitié se prête effectivement à ce reproche. Polanski suit de près la trame du roman de Thomas Hardy (...) une intrigue simple, rectiligne, que le cinéaste suit avec application, sans faute de goût mais sans inspiration particulière non plus.
Et puis, passée une belle ellipse, le récit reprend : plus sinueux, plus mélodramatique. Tess se voit ballotée entre protecteurs et amants ambigus, cruels ou repentis. Comme si la première heure n’avait finalement rempli qu’une fonction d’exposition, moyen pour le cinéaste de présenter un univers dans lequel il se promène désormais avec une parfaite aisance. Le lieu même s’en voit transformé : la campagne anglaise du xixe siècle devient un décor stylisé, proche de l’abstraction par endroits, dans lequel l’héroïne se confronte à des épreuves extrêmes : l’amour, la misère, la richesse, le film prenant alors une dimension initiatique.
C’est beau, fort, extrêmement brillant..."
" Sublime mélodrame anglo-saxon, Tess a de tout temps fasciné les cinéastes. Une première version muette e
" Sublime mélodrame anglo-saxon, Tess a de tout temps fasciné les cinéastes. Une première version muette est tournée en 1924, une autre en 1929. Après Autant en emporte le vent, c’est le projet chéri du nabab hollywoodien David Selznick, qui l'abandonne, faute d’avoir trouvé l’interprète idéale. Il y a dix ans, un producteur anglais propose le rôle à Sharon Tate. Elle demande conseil à son mari. « Je me souviens d’avoir pleuré en lisant le roman », dit-il. Mais le film ne se fait pas.
Puis les drames s’accumulent dans la vie de Polanski. Sa femme est assassinée, à Los Angeles, par Charles Man- son et sa secte. Dix ans plus tard, en février 1978, Polanski abandonne les Etats-Unis, où il est poursuivi par là justice américaine pour une affaire de relations sexuelles avec une mineure.
Revenu en France, il ne désire qu’une chose : se remettre au travail. Lui qui n’hésita pas à aborder la violence et le sexe au moment où ces sujets étaient encore tabous ( Repulsion, Rosemary’s Baby), il avoue maintenant en être dégoûté. Il rêve d’une histoire sur l’éternité des grands sentiments. Ce sera Tess, dont le titre complet est Tess d’Urberville, une femme pure.
Dès le départ, un problème se pose, énorme : trouver un financier. Il parle de son idée à Claude Berri, 45 ans, un homme à double casquette, toujours prêt à aider les copains. Metteur en scène (Le Vieil Homme et l’enfant), il est aussi producteur (Pialat, Rohmer, Forman, etc.). A son tour, Berri est touché par la grâce de Tess. Mais il se rend compte des risques de l’entreprise. « A un moment où tout l’avenir du film reposait sur ma décision, se souvient-il, Roman a débarqué chez moi à minuit avec son arme secrète : sa future héroïne, Nastassia Kinski, 17 ans. En la voyant avec sa jupe en corolle et son petit chemisier, j’ai compris que j’allais accepter. »
" Le film prend le temps de détailler, dans des lumières splendides, les travaux et les fêtes de la vie paysanne, l
" Le film prend le temps de détailler, dans des lumières splendides, les travaux et les fêtes de la vie paysanne, la diversité des castes et des rapports sociaux, le poids des conventions, le conflit des caractères. Bien sûr, Nastassja Kinski est un peu plus glamour que le reste de sa tribu, mais cela ne l’empêche pas de jouer avec justesse cette héroïne émouvante et farouche, ingénue et insoumise, vulnérable et passionnée, piétinée par les hommes, écrasée par le destin. Comment résister? On est embarqué, captivé."
Marie-Noël Tranchant" Le parcours de Tess est bouleversant parce qu’elle est à la fois victime et cependant elle cherche à rester pure
" Le parcours de Tess est bouleversant parce qu’elle est à la fois victime et cependant elle cherche à rester pure. Elle se défend comme elle peut contre le sort que lui réserve une société qui cherche en permanence à maquiller une violence et une cruauté sous des dehors de respectabilité.
Roman Polanski a 13 ans quand ses parents et sa sœur sont fait prisonniers et déportés. Il fuit le ghetto de Cracovie et trouve refuge dans une ferme reculée de Pologne où il travaille pour survivre. Sa connaissance intime, inscrite au cœur de cette enfance pourchassée, d’une expérience de l’isolement le plus noir lui sert dans Tess, comme elle lui servira plus tard pour le Pianiste.
Serge July, qui signe Il était une fois Tess, un documentaire sur le film, dit très justement que Polanski ne filme rien qu’il n’aie personnellement "ressenti". Récit de vicissitudes tempérées par la respiration d’une nature et d’une lumière magnifiée, Tess s’inscrit à cet égard comme une des pièces maîtresses d’une filmographie-autoportrait dont l’importance, avec les années et les turpitudes romanesques de la propre biographie de l’auteur, ne cesse de croître. "
" Polanski a parfaitement rendu le climat de cette apocalypse qui n’ose que chuchoter son nom. On a le droit pourtant, je crois,
" Polanski a parfaitement rendu le climat de cette apocalypse qui n’ose que chuchoter son nom. On a le droit pourtant, je crois, d’estimer qu’il tarde un peu trop à prendre son élan. Cela a pour conséquence qu’à son tour notre enthousiasme hésite. Comme si l’on avait eu peur, d’autre part, d’oublier la moindre page du roman, nous ployons sous l’abondance des vaches que l’on traie, des fenaisons que l’on rentre, de la bouc ou s’engluent les arracheuses de raves...
Les malheurs qui accablent Tess nous semblent également bien nombreux. Petite paysanne à qui, pour son infortune, on découvre une noble ascendance, un homme abusera d’elle, lui laissant un enfant, mort à peine né. Un second partenaire pourrait la sauver. Hélas ! non seulement il ne lui pardonne pas sa " faute " mais, ayant lu Marx, il la charge de tous les péchés d’une aristocratie qu’il exècre. Aucun ennui n’étant épargné à l’héroïne, on l’accusera même de faire tourner le beurre dans les barattes. Comment, dans ces conditions, ne deviendrait- elle pas criminelle ?
Mais soudain, le film s’élève. Il atteint les cimes. Il n’en redescendra plus, illuminé par la sereine dignité de Nastassia Kinski. Alors on se dit qu’un tel courage joint à une telle perfection technique devraient réconcilier avec Polanski tous ceux (j’avoue en faire partie) qu’irrite le tapage organisé en permanence autour de sa personne. Cette, fois, en effet, une chose chez lui mérite d’être admirée sans nulle restriction : son talent. "
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